Les plantes messicoles
Les messicoles : compagnes sauvages de nos plantes cultivées
Les plantes messicoles sont des plantes qui "habitent les moissons" : leur cycle de développement est calqué sur celui de certaines de nos cultures agricoles. Elles accompagnent depuis les débuts de l'agriculture les céréales cultivées : souvent natives du Proche et Moyen-Orient, elles ont suivi l'avancée de la domestication des céréales et de certaines légumineuses (blé, orge, lentille) vers l'ouest du continent européen. Certaines messicoles sont aussi indigènes.
Il existe de nombreuses espèces de plantes messicoles (on parle aussi d'espèces ségétales) : on a tous en tête le coquelicot, qui apporte des touches colorées dans les champs de blés, mais il y en a bien d'autres, moins connues : elles sont plus d'une centaine recensées en France, avec des variations selon les régions, le sol et le climat.
Caractéristiques des espèces messicoles
Ces plantes sont parfaitement adaptées à nos champs agricoles, où elles trouvent un milieu propice à leur développement : un espace ouvert (pas de plantes vivaces ni ligneuses, une terre nue au moment de la germination), et un sol non travaillé durant leur période de développement et de floraison. Annuelles, ces plantes messicoles germent en automne ou en hiver, pour fleurir juste avant et pendant les moissons, en fin de printemps ou au cours de l'été. Elles ont ainsi le temps de donner des graines qui tombent au sol ; ces graines germeront après un travail superficiel du sol (qui détruit les plantes vivaces et enfouit légèrement les graines), en même temps que celles des céréales et du colza (semées en automne ou en début d'hiver).
Les plantes messicoles poussent aussi bien dans le champ, mélangées aux céréales, qu'en bordure de champ, où elles trouvent même des conditions encore plus favorables (mince bande labourée mais non ensemencée et non traitée par les herbicides).
Attention, certaines adventices présentes au moment des moissons ne sont pas messicoles. Pour être qualifiée de messicole, il faut que la plante soit annuelle, avec le cycle de vie que nous venons d'évoquer.
Des espèces souvent menacées de disparition
Les plantes messicoles disparaissent de nos paysages, et ce depuis les années 1950, avec une accélération dans les années 70 et 80. L'effondrement concerne aussi bien les populations de messicoles (nombre d'invidus d'une même espèce sur une zone donnée), mais les espèces elle-mêmes : certaines ont déjà complètement disparu en France, d'autres sont menacées de disparition.
A titre d'exemple, en 2020, la cameline alysson (Camelina alyssum) et l'ivraie du lin (Zolium remotum) ont disparu en France, rejoignant une liste d'espèces déjà longue. Cette même année, 18 espèces étaient menacées de disparition, et 14 étaient proches de l'être. Devant l'urgence de la situation, un plan national d'action a été mis en place en 2012 ("PNA messicoles").
Quelques espèces de plantes messicoles
- Les coquelicots (Papaver rhoeas et autres espèces du genre Papaver)
- Bleuet des champs (Centaurea cyanus)
- Anthémis des champs (marguerite, Anthemis arvensis)
- Matricaire camomille (Matricaria reticuta)
- Linaire des champs (Linaria arvensis)
- Grand ammi (Ammi majus)
- Les fumeterres (par exemple Fumaria densiflora)
- Mouron bleu (Lysimachia foemina)
- Aspérule des champs (Asperula arvensis)
- Petite amourette (Briza minor)
- Plusieurs euphorbes (par exemple, Euphorbia platiphyllos)
- Vulpin des champs (Alopecurus myosuroides)
- Les pieds d'alouettes (par exemple le delphinium royal, Delphinium consolida)
- Queue de scorpion (Coronilla scorpioides)
- Germandrée (Teucrium botrys)
- Silène de France (Silena gallica)
- Nielle des blés (Agrostemma githago)
- Diplotaxis des vignes (Diplotaxis viminea)
- Différents adonis (comme Adonis annua, l'adonis d'automne)...
Quelles causes à la disparition des plantes messicoles ?
Les pratiques agricoles sont les principales responsables de cette disparition. Avec l'intensification de l'agriculture, les nouvelles pratiques culturales ont été néfastes aux messicoles :
- un labour profond, qui (en plus de perturber l'équilibre du sol) enfouit trop les graines pour permettre leur germination ;
- un usage décuplé des herbicides, qui détruit les adventices en général, donc également les messicoles ;
- un accroissement de la taille des parcelles, qui a pour effet de réduire la surface des bordures de champs, zones particulièrement propices aux messicoles ;
- une destruction des haies (les bordures de haie sont également favorables à ces espèces ségétales) ;
- la mise en place de prairies artificielles au détriment des jachères ;
- la densification des semis (qui accroît la concurrence, en défaveur des messicoles) ;
- un déchaumage précoce : la destruction des restes de chaumes après les moissons détruit également les messicoles dont les graines n'ont pas eu le temps d'arriver à maturité ;
- le semis de nouvelles cultures défavorables aux messicoles (maîs, tournesol : ces espèces à grand développement font trop d'ombre) ;
- le tri plus efficace des graines au moment de la récolte (les graines des adventices sont éliminées) et surtout la disparition du "ressemis", avec le développement des semences sélectionnées, ne pouvant être ressemées (soit protégées par un brevet, soit ressemis non fidèle, dans le cadre d'une semence hybride par exemple), contrairement aux semences paysannes. Les graines des messicoles récoltées en même temps que celles des céréales ne sont alors pas ressemées, ce qui laisse moins de chances à ces espèces.
Jachères fleuries : méfiance !
Les jachères fleuries et prairies fleuries ont le vent en poupe. Attention cependant : veillez à acheter un mélange de semences certifiées messicoles... et sauvages. Certains mélanges contiennent des fleurs non messicoles, inadaptées à nos climats, voire appartenant à des espèces absentes de nos régions, ou encore issues de variétés horticoles susceptibles d'affaiblir l'espèce type par brassage génétique, en réduisant son adaptation au milieu.
Intérêt des plantes messicoles pour la biodiversité
Les plantes messicoles ont d'autres avantages que ceux de "faire joli" dans les champs et d'avoir inspiré les peintres impressionnistes. Pour la biodiversité, elles sont providentielles. Elles offrent en effet le gîte et le couvert à de nombreux insectes, dont des pollinisateurs et des auxiliaires, en fournissant du pollen et du nectar pour les espèces dont la floraison est mellifères, et des feuillages nourriciers pour leurs larves. Leurs graines nourrissent aussi les oiseaux. Eles représentent donc une source de nourriture et un lieu de reproduction, comme de petits ilôts refuges dans des champs immenses de cultures sans intérêt pour les insectes (monoculture intensive).
Comment favoriser et protéger nos plantes messicoles ?
- Développer encore davantage l'agriculture biologique, ou en tout cas l'agriculture raisonnée (moins voire pas d'herbicides -or, ce n'est pas la tendance), c'est davantage de plantes messicoles) ;
- Réimplanter des haies, et réduire la taille des parcelles pour maximiser l'effet bordure favorable à la biodiversité ;
- Eviter le labour profond et favoriser le travail du sol uniquement en surface ;
- Semer des messicoles au niveau des particuliers et des collectivités locales, sous forme de jachères fleuries composées de plantes messicoles locales. ;
- Participer à des observatoires (observation, signalement, comptage...)...
En savoir plus : plantesmessicoles.fr
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