Nostoc ou crachat de lune : un être vivant étonnant

Crachats de lune : d'étranges amas verdâtres et gélatineux

Si vous en avez déjà vu, vous vous êtes sans doute posé la question : que sont donc ces amas visqueux, de couleur vert foncé, qui se développent dans les graviers, sur les trottoirs, dans les rochers, sur les sols compactés ou très pauvres, souvent non végétalisés, et toujours dans des zones très exposées au soleil ? On les surnomme "crachats de lune", car ils donnent parfois l'impression d'être apparus comme par magie durant la nuit.

Par magie ? Non. Le nostoc (c'est son nom scientifique : Nostoc commune, entre autres espèces) est un organisme procaryote* primitif apparu à l'ère primaire, qui a la capacité de se déshydrater complètement, puis de se réhydrater très rapidement, en quelques heures. Un peu de rosée nocturne ou une pluie suffisent à le "regonfler" et le ressusciter.

Ces organismes unicellulaires, qui forment des colonies, fabriquent leur propre carbone grâce au CO2 atmosphérique et à la photosynthèse (comme tous les organismes photosynthétiques). Ils savent en outre fixer l'azote atmosphérique (comme les légumineuses) : ils n'ont donc pas besoin d'un milieu riche pour vivre.

Le Nostoc commun : ni algue, ni lichen, ni champignon

Le nostoc commun, en dépit de son apparence tantôt gélatineuse, tantôt encroûtante (selon qu'il est déshydraté ou hydraté), n'est ni une algue, ni un lichen, ni même un champignon. C'est une cyanobactérie, tout comme la spiruline, c'est-à-dire une bactérie capable de réaliser la photosynthèse, d'où sa couleur verte (due à ses pigments photosynthétiques ; comme la chlorophylle).

Certes inesthétique, cet amas gluant n'en est pas moins fascinant. Il fait preuve d'une résistance hors du commun : chocs thermiques (froids intenses, succession d'épisodes de gels/dégels, canicule), dessication, milieu très pauvre, pH basique, rayons UV, et même radioactivité, il résiste à beaucoup de choses ! Le nostoc est notamment capable de survivre durant plusieurs mois, voire plusieurs années en l'absence d'eau, sous la forme d'une croûte sèche et discrète, puis de relancer son métabolisme en quelques heures et se réhydrater à la première occasion, comme le fait la rose de Jéricho.

Il existe de nombreuses espèces du genre Nostoc. En France, on rencontre fréquemment Nostoc commune, le nostoc commun, mais on peut en croiser d'autres. Les Nostoc sont présents sur tous les continents, et à toutes les latitudes, y compris sous les climats extrêmes comme en Arctique ou en Antarctique. Certaines espèces sont aquatiques, les autres sont terrestres. Les colonies peuvent avoir l'aspect de petites sphères, de lamelles, de filaments ou d'amas informes.

Le nostoc peut être utile !

Bien qu'assez peu appétissant, le nostoc est consommé dans certains pays, notamment au Pérou ou en Chine (où une espèce est beaucoup prélevée, au point de la mettre en danger). Attention cependant : les nostocs produisent parfois des toxines dangereuses pour la santé (raison pour laquelle ils sont peu consommés par les animaux phytophages).

Par ailleurs, la capacité des nostoc à fixer l'azote atmosphérique leur attribue un rôle de fertilisateur des sols : en tant qu'espèces pionnières, ils savent se développer sur des milieux ingrats, pauvres, où rien -pas grand-chose- ne pousse. Lorsqu'ils meurent, ils enrichissent le milieu en azote ; azote qu'ils ont captée dans l'atmosphère. Cette capacité à fertiliser le milieu est d'ailleurs mise à profit dans les rizières en Asie, où des nostocs aquatiques se développent en même temps que le riz, contribuant à enrichir l'eau de la rizière en azote. On peut profiter de cet atout en récoltant du nostoc dans les chemins, et en l'enfouissant, comme un engrais naturel, au pied des plantes (en pot ou en pleine terre).

* Procaryote : organisme dont les cellules sont dépourvues de noyau