Une algue japonaise colonise la Méditerranée
Comment reconnaître l'algue brune japonaise ?
Rugulopteryx okamurae est une algue brune appartenant à la famille des Dictyotaceae, elle est originaire des zones marines du Pacifique nord-occidental, particulièrement du Japon et de la Corée.
Elle présente une silhouette foliacée et aplatie, sa texture est assez coriace. Le thalle, rubané et érigé, de teinte brun verdâtre, présente des frondes ramifiées se divisant en deux parties de façon répétée. Les bordures sont très légèrement ondulées. L'algue peut aisément atteindre 30 cm de hauteur et s'étale en tapis denses sur les zones rocheuses qu'elle colonise rapidement. Elle est fixée au substrat rocheux au moyen de rhizoïdes et forme des stolons sur lesquels se développent de nouvelles frondes.
En France métropolitaine, l'algue brune est surtout présente entre 0 et 15 m de fond, cependant, des sujets ont été observés jusqu'à 50 m de fond.
Bonne nouvelle, cette algue n'est ni toxique, ni urticante au toucher, néanmoins, lorsqu'elle se retrouve sur les plages, elle dégage un gaz très malodorant.
Une colonisation progressive, discrète, mais bien réelle
Rugulopteryx okamurae a été signalée pour la première fois en 2002 dans l'étang de Thau, et proviendrait de naissains d’huîtres importés du Japon.
En 2013, elle fait son apparition au Cap d'Agde et colonise le détroit de Gibraltar dès 2015, posant des soucis d'ordre économiques sur les côtes espagnoles. Depuis 2021, on observe sa présence en région PACA, notamment à Marseille et dans les calanques. Cependant, son apparition dans le port de Callelongue remonterait au moins à 2014 d'après les observateurs.
Impacts de la colonisation par l'algue brune japonaise en Méditerranée
Une reproduction rapide
Cette algue fait partie des 150 espèces invasives présentes en Méditerranée. Sa reproduction rapide et sa propension à coloniser de nouveaux espaces en font un sujet à surveiller de près.
La reproduction est à la fois sexuée au moyen de gamétophytes et de la formation d'un sporophyte, mais aussi asexuée, lors de la libération des spores dans l'eau qui formeront de nouveaux sporophytes sans nécessiter de fécondation préalable. Cette algue a également la capacité de se propager de manière végétative, par fragmentation du thalle. Si elle est détachée par une ancre de mouillage, elle peut donc se propager par ce biais, mais aussi par les activités de transport maritime, la pêche, les eaux de ballast ou l'aquaculture.
Un impact non négligeable sur l'environnement
Envahissante et dense, formant des tapis épais de 30 cm à la surface des roches, elle prive de lumière les espèces indigènes qui disparaissent peu à peu avec la faune qu'elles abritaient. La biodiversité est donc directement affectée, notamment au niveau des poissons et des autres espèces marines qui dépendent des habitats autochtones pour se nourrir et se reproduire.?
La présence de cette algue impacterait par ailleurs les coraux méditerranéens en entrant en compétition avec des espèces indigènes sciaphiles comme Astroides calycularis, communément nommé "Mimosa" par les plongeurs. Elle est aussi mise en cause dans la lente disparition des gorgones rouges de l’espèce Paramuricea clavata, déjà bien altérées par le réchauffement de la température de l'eau (en raison du changement climatique). (1)
Un impact économique important
Cette algue brune japonaise se retrouve sur les côtes au printemps, formant d'épais tapis nauséabonds lors de sa décomposition. L'impact est assez évident sur le secteur du tourisme, puisque son déblaiement implique une charge économique supplémentaire pour les communes affectées, spécialement sur les côtes espagnoles, mais aussi à Marseille où la ville envisagerait d'aspirer les algues qui s'amoncellent au fond de l'eau dans les zones encaissées du littoral (2).
Le secteur de la pêche est, lui aussi, mis à mal par l'algue invasive qui obstrue les nasses, les casiers, mais aussi les filets, les rendant inefficaces et entraînant des coûts supplémentaires pour les pêcheurs en termes de temps et de main-d'œuvre?.
Comment gérer l’expansion de Rugulopteryx okamurae ?
Selon le Centre de ressources espèces exotiques envahissantes, "aucune mesure de gestion spécifique n’est actuellement déployée en France ou dans les pays européens concernés" (3). Seule la prévention pour limiter au mieux sa dispersion sera efficace : inspecter, nettoyer et sécher les équipements entre deux sorties en mer fait partie des gestes de base.
Les amateurs de PMT et les plongeurs peuvent également participer à déterminer les zones de présence de l'algue via le programme BIOLIT (action : nouveaux arrivants) et sur le site INPN Espèce. Une photo accompagnée du lieu, de la date et de la profondeur de l’observation sera la bienvenue.
Enfin, un espoir semble illuminer ce sombre tableau grâce aux biotechnologies comme le sous-entend une étude publiée en février 2023 (4), qui propose de transformer ces algues en biocarburants ou bioplastiques. À suivre !
- Impacts of the non-indigenous seaweed Rugulopteryx okamurae on a Mediterranean coralligenous community
- https://www.geo.fr/environnement/une-algue-japonaise-invasive-colonise-les-calanques-de-marseille-205266
- https://especes-exotiques-envahissantes.fr/lalgue-brune-rugulopteryx-okamurae-prolifere-en-mediterranee/
- Valorisation of the invasive alga Rugulopteryx okamurae through the production of monomeric sugars
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