Une startup qui fabrique de l'engrais bio à base d'urine
L'urine transformée en un engrais « responsable » via un procédé innovant
Penser à utiliser notre urine pour fertiliser les cultures n'est pas une nouveauté en soi. On connaît depuis longtemps sa valeur nutritive (notamment ses teneurs en azote, en phosphore et en potassium) et sa capacité à fertiliser les cultures. Malheureusement, si les fameux minéraux nutritifs essentiels aux plantes sont bien présents dans l'urine, ils le sont en trop faibles quantités pour pouvoir utiliser le fameux liquide tel quel, comme engrais. L'aspect novateur du projet, mené pas la startup Toopi Organics est donc ailleurs.
L'idée portée par Michael Roes, président-fondateur de Toopi Organics, et son associé le docteur en écotoxicologie Pierre Huguier, repose sur l'utilisation de l’urine humaine purifiée (mais ayant conservé ses minéraux et oligoéléments) comme un milieu de culture pour bactéries d'intérêt agricole (qui participent, entre autres, à la fixation de l’azote atmosphérique, à la solubilisation du phosphore et du potassium...).
Via un procédé "low tech" (qui consomme peu d’énergie et peu de ressources), ils ont développé un fertilisant biologique « hygiénisé, stabilisé et désodorisé », pouvant concurrencer les engrais minéraux classiques en termes d'efficacité (produit testé par l'INRA de Grignon) et de prix. Le 3 juin 2022 à Loupiac-de-la-Réole (Gironde), 3 ans après sa création et une dizaine de prix d'innovation en poche, la startup inaugure sa première usine de valorisation des urines humaines en fertilisant agricole, capable de traiter 250 000 l d'urine par an.
Début 2023 (date à laquelle Toopi Organics devrait recevoir l'autorisation de mise sur le marché en France), les agriculteurs pourront donc avoir accès à un engrais organique efficace, 20 fois moins cher que les engrais actuels et issus d'une matière première naturelle renouvelable.
Des enjeux environnementaux
Si le milieu agricole semble être le premier bénéficiaire de cette innovation, il n'est pas le seul. En témoigne le soutien de l'ADEME (l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) dès 2019. Et pour cause : le projet de Toopi Organics s'inscrit fortement dans les préoccupations environnementales et économiques de notre temps :
- La possibilité de produire localement un engrais agricole écologique et durable, alors que, a contrario, non seulement les engrais minéraux (majoritairement utilisés par les agriculteurs) sont importés à hauteur de 40 % hors d’Europe (le plus gros fournisseur étant la Russie), mais en plus, la production de ces engrais a un lourd impact environnemental (extraction de la matière première, transformation) ;
- La possibilité d'avoir un engrais assimilable par les plantes à 100 %, alors qu'une partie des engrais minéraux se retrouve lessivée vers les nappes phréatiques et les rivières avant d'avoir pu être consommée par les cultures, ce qui engendre des pollutions ;
- La possibilité de sortir le traitement de l'urine du cycle de l'eau potable. Le traitement actuel de nos urines est non seulement couteux et énergivore, mais il est également une aberration écologique lorsqu'on sait que des milliards de litres d'eau potable par an, en Europe, sont gaspillés via nos chasses d'eau (lire : Economiser l'eau au jardin).
Le défi de la collecte des urines
La réussite du projet repose en grande partie sur l'organisation de la collecte de l'urine. Cela passe par l'installation d’urinoirs (féminins et masculins) sans eau, avec des cuves de récupération, sur des sites à forte fréquentation. De grands établissements se sont déjà laissé convaincre, les économies d'eau importantes permettant de rentabiliser rapidement les nouvelles installations. Le système est d'ores et déjà en place au Futuroscope, sur certaines aires d'autoroute, mais aussi dans certains festivals, stades (notamment le Parc des Princes), collèges, lycées et entreprises et va pouvoir alimenter l'usine de Loupiac-de-la-Réole. L'objectif est d'implanter 20 usines en France, d’ici à 5 ans, qui prendront la forme d’unités territoriales, basées sur des partenariats avec les coopératives agricoles et les collectivités.
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