L'indigo : une teinture millénaire
Qu'est-ce que l'indigo ?
L'indigo (ou indigotine) est un pigment particulier qui permet d'obtenir la couleur bleu indigo, un bleu profond qui tend vers le violet. Vous en connaissez forcément quelques applications, comme le blue-jean ou le chèche des Touaregs.Ce pigment est issu de plantes, mais avant de pouvoir être utilisé, une longue série de transformations s'impose.
Un procédé complexe
À son origine, l'indigo est obtenu à partir d'un principe organique colorant mais incolore, l'indican (précurseur de l'indigo), que l'on trouve dans diverses plantes tinctoriales. Une fois ce précurseur extrait selon différentes méthodes, il doit être oxydé pour former l'indigotine, un pigment bleu. Mais en l'état, l'indigotine ne peut être employée comme teinture car elle est insoluble.
Il faut alors effectuer une transformation chimique, une réduction. La méthode traditionnelle de réduction, fait intervenir divers produits comme la chaux, le sulfate de fer ou l'urine fermentée. Elle fut remplacée au milieu du XIXe siècle par une méthode chimique et polluante, utilisant un puissant réducteur : l'hydrosulfite de sodium. Le pigment soluble obtenu, le leuco-indigo (que l'on nomme, par abus de langage, également indigo), est incolore. Ce n'est que lorsque le tissu teinté est mis à sécher à l'air libre que le leuco-indigo, oxydé et redevenu insoluble (indigotine), vire au bleu indigo.
Avec ce procédé, qui utilise un précurseur de l'indigo naturel, on obtient une couleur non uniforme, qui varie en fonction des impuretés et des concentrations d'indigotine des plantes. C'est pour cela que, selon les régions et les pays, le bleu indigo se différencie par diverses nuances. Mais depuis la fin du XIXe siècle, il existe des procédés pour produire de l'indigo synthétique plus homogène et plus rapidement. À ce jour, il est l'un des colorants les plus produits et utilisés, et ce, malgré son empreinte écologique catastrophique.
Les plantes à indigo
Diverses plantes contiennent de l'indican utilisable pour la fabrication de l'indigo.
Le pastel des teinturiers
Appelée également Herbe de Saint-Philippe, ou Guède, l'Isatis tinctoria est une plante herbacée bisannuelle, de la famille des Brassicacées, qui pousse spontanément dans de nombreux lieux rocailleux et incultes d'Europe. Son utilisation sur le continent, pour ses vertus tinctoriales et médicinales, remonte au moins au néolithique. Sa culture, en vue de produire le pigment à partir des feuilles (les fleurs sont jaunes), s'est beaucoup développée au cours de la seconde moitié du Moyen Âge.
En France, la région du Lauragais en a d’ailleurs fait sa spécialité, jusqu’au XVII siècle, période à laquelle l'indigo produit à partir de l'indigotier, beaucoup plus efficace pour teindre les tissus et d'un bleu plus profond, arrive en Europe. Il faut dire que le processus de fabrication de l'indigo à partir du pastel des teinturiers demandait près de deux ans, car les feuilles étaient, au préalable, transformées en pâte que l'on façonnait ensuite en boules (cocagnes) puis en agranats (poudre tinctoriale insoluble) afin de pouvoir les transporter et les commercialiser facilement. Il fallait, pour terminer, avoir recours à un procédé dit "de cuve" pour faire la réduction et obtenir le fameux leuco-indico soluble.
L'indigotier
Le plus vieux tissu teinté à l'indigo, daté de 6 000 ans, a été retrouvé sur la côte nord du Pérou. L’indigotine utilisé proviendrait probablement d'un Indigofera, essence qui a donné le nom à la teinture. Il existe plusieurs espèces d'indigotier (Indigofera) réparties dans le monde, mais celui donnant le bleu le plus profond, le « vrai » indigo, est Indigofera tinctoria, un arbuste appartenant à la famille des Fabacées, potentiellement originaire d'Inde, et principalement cultivé dans les régions tropicales et subtropicales d'Asie, d'Amérique et d'Afrique. Lorsque l'indigo issu de l'indigotier eut sa réputation de faite en Europe, de nombreuses indigoteries ont vu le jour aux Antilles françaises, en Inde (colonie britannique) ou en Amérique du Nord, fonctionnant grâce à la nombreuse main-d'œuvre esclave disponible. L’extraction de l'indican s'y faisait alors par macération des arbres dans des cuves d'eau pure.
Mais aussi...
La renouée des teinturiers (Persicaria tinctoria) originaire de Chine, la liane-indigo (Philenoptera Cyanescens) cultivée essentiellement en Afrique de l'Ouest, l'indigotier franc (Indigofera anil) cultivé aux Antilles et en Amérique...
L'aventure de l'indigo
L'indigo est présent dans de nombreuses civilisations, depuis la nuit des temps : au Pérou (voir plus haut), en Amérique Centrale (peintures chez les Mayas), à Pompéi (fresques murales), en Égypte (sur les bandelettes de certaines momies), chez les Pictes d'Écosse (peintures de guerre sur le corps), en Chine (les gilets des samouraïs, puis, plus tard, les vêtements des classes sociales les moins favorisées durant la période Edo, car l’indigo faisait partie des rares teintes qui leur étaient autorisées), etc.
Au fil des siècles et jusqu'à aujourd'hui, l'utilisation de l'indigo en teinture n'a cessé de prendre de l'ampleur. Moins coûteuse, sa production est essentiellement synthétique et absorbée, pour 90 %, par la confection des jeans. Revers de la médaille, son impact écologique est immense : pollution des cours d'eau par les produits chimiques toxiques, consommation d'eau, dépenses énergétiques et émissions de gaz à effet de serre... particulièrement en Chine. Face à ce constat navrant, l’indigo naturel retrouve un peu de vigueur, notamment sous l'impulsion de petits artisans designers et de marques haut de gamme, dans la mode et la décoration. De même, de nouvelles techniques de production, plus propres, commencent à voir le jour. Un peu de lumière pour éclairer le côté sombre de l'indigo !
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